• Sense8

     

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    Netflix, le géant américain représentant du streaming légal, est devenu une belle boîte de production pour des séries acclamée par la critique. Tout d’abord il y a eu le grand succès du thriller politique House of Cards, puis la comédie Orange Is The New Black et sa prison féminine ont connu une popularité monstre. Mais c’est aussi à eux que l’on doit Marco Polo ou la fameuse série Marvel sur le personnage de Daredevil (que je ne peux que vous conseiller d’ailleurs). Leur façon de lâcher une saison entière d’une seule traite convient aux modes de visionnage de série moderne (le bingewatching en gros). Pas la peine d’attendre une semaine pour le prochain épisode, fini également l’attente des sous-titres ou des diffusions françaises : tout est là d’un coup et dans toute les langues (ils doublent même leurs séries en français pour les adeptes de la VF). Netflix n’impose aucune censure ni aucun format à ses programmes, repêche des séries annulées… bref Netflix est dans l’air du temps.
    Et son dernier poulain avait un CV qui avait tout pour vous faire saliver. Les Wachowskis (à qui on doit la mythique saga Matrix je vous le rappelle) sont de retour et nous proposent une nouvelle production de science-fiction se déroulant aux quatre coins du monde avec un concept original : Sense8. Diffusé à partir de début juin, la série a reçu un retour largement positif et enthousiaste ce qui m’a poussée à me lancer.

    Un policier de Chicago, une DJ islandaise, une fille de PDG coréenne, un conducteur de bus kenyan, une hackeuse de San Fransisco, une étudiante en chimie à Mumbai, un délinquant allemand et un acteur mexicain : huit personnes qui n’auraient à priori jamais dû se croiser. Pourtant Will, Riley, Sun, Capheus, Nomi, Kala, Wolgang et Lito sont reliés par une force mystérieuse. Un étrange lien qui se réveille le jour où ils assistent au suicide d’une femme dans une église où aucun d’entre eux ne se trouvait. Ce qu’ils croient d’abord être un rêve soulève de nombreuses questions. Puis, chacun va ensuite petit à petit découvrir qu’il peut ressentir ce que les autres ressentent, et même communiquer avec eux alors qu’ils sont à des milliers de kilomètres les uns des autres : ils sont ce qu’on appelle des « sensates ». Ils vont donc devoir appréhender ce lien et surtout essayer de comprendre ce qu’il s’est passé le jour du suicide de cette femme.

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    Un pitch mystérieux et alléchant qui est le grand point fort de la série. Dès le premier épisode on est intrigués, on irait au bout juste pour comprendre la première scène et pour voir où ils veulent aller. Cette première saison s’axe dans sa grande majorité sur la présentation des huit personnages et de leurs vies ainsi que sur la nature de leur connexion. Cette introduction se fait lentement et en douceur, on doit par exemple attendre la deuxième moitié de saison pour qu’ils interagissent enfin volontairement les uns avec les autres. Si ce démarrage quelque peu lent nous laisse perplexe au début, on comprendra plus tard qu’il était nécessaire pour qu’on puisse s’habituer nous même à l’idée et comprendre certaines scènes. Impossible de lire le montage d’une même scène tournée dans trois endroits différents si on a pas un minimum saisi l’idée, donc ça se fait en douceur pour éviter de paumer le spectateur.

    Mais une fois lancer, on ne les arrête plus et on nous offre de superbes scènes de « communion » très poétiques et bien trouvées. Ainsi on peut les voir tous chanter la même chanson en même temps, s’allier dans une même course poursuite… Et je vous paris que vous ne pourrez pas oublier cette scène de sexe qui se transforme presque en orgie. Le lien est à la fois utile pour faire avant l’histoire, utile pour faire de très belles scènes mais également utile pour des ressors comiques. Un homme peut ainsi ressentir l’effet des règles, un sensate peut accidentellement apparaître nu à un autre, et tout autre effet secondaire un peu drôle. Le sujet est bien balayé et très bien rendu à l’écran. C’est certainement ce qui m’a le plus plu dans la série même si tout cela bouffe beaucoup de temps sur l’ACTION.

    Parlons-en des scènes d’actions d’ailleurs. Si dès le premier épisode on s’attend à une enquête collective sur leur première vision, le sujet est très peu abordé et n’est réglé qu’en fin de saison. Mis à part le personnage d’un sensate extérieur à leur cercle qui sert beaucoup à expliquer le pouvoir au spectateur, il faut attendre le 7e épisode pour qu’on rentre dans le sujet sérieux. Une très grande partie du temps est consacré aux vies quotidiennes de nos huit protagonistes qui sont étrangement palpitantes. Je veux dire qu’un policier ou un voleur professionnel ait des scènes d’action répétées ça peut paraître normal, mais quand une pauvre DJ et un conducteur de bus (ok il vit en Afrique mais faut pas abuser non plus) sont impliqués dans des affaires sordides c’est tout de suite moins logique. De mon point de vue, ils ont voulu caser de l’action là où on n’en avait pas besoin. Résultat c’est à la limite du crédible dans la moitié des cas. Surtout qu’ils ne prennent pas toujours le temps d’expliquer comme il se doit ce qu’il se passe (toujours pas sure d’avoir compris l’intégralité de la storyline de Riley par exemple).


    La scène où ça a fait tilt

    On peut les comprendre ceci dit car les personnages vivent des vies très différentes. Certains connaissent donc des scènes dignes du meilleur film d’action alors qu’un acteur mexicain ne peut se limiter qu’au registre de la comédie. Dans ce dernier cas, ils profitent habilement du métier du personnage pour caser des scènes d’action délirantes. C’est peut-être ce qui lui a permis d’avoir une des storylines les plus logiques et constantes de la saison. Ils auraient pu ainsi jongler avec les genres. On voit d’ailleurs qu’ils ont commencé à le faire mais ils ont préféré faire du forcing pour mettre de la violence un peu partout. C’est à mon avis un des plus gros points faibles de la série. Ils auraient gagné à se concentrer plus vite sur l’intrigue principale pour caser leur lot de scènes d’action, ce qui devrait être fait pour une éventuelle saison 2.

    Un autre point vendeur de la série est sa diversité : des personnages très différents se comprennent et s’unissent. On peut d’abord voir qu’ils ont fait des efforts sur les origines et les lieus où ils habitent: Nairobi, San Fransisco, Séoul, Berlin, Mumbai, Londres (pour une islandaise), Mexico et Chicago. Cependant on notera que la moitié des personnages restent blancs et occidentaux, ainsi qu’on compte tout de même deux américains et personne d’origine arabo-musulmane par exemple. Mais passons. Le problème c’est que cela donne lieu à un assez grand nombre de stéréotypes. Le policier représente le héros américain dans toute sa splendeur (bon c’est une production américaine ça n’étonne plus personne). L’indienne ne regarde que des Bollywood et subit un mariage arrangé avec un homme qu’elle n’aime pas. L’asiatique de la bande maîtrise étrangement les arts martiaux et subit une société patriarcale. Le mexicain joue dans une panoplie de telenovelas. Quant au seul africain de la bande il fait face à la corruption de son pays et prend des poulets comme monnaie pour monter dans son bus. #clichés

    Bon c’était pour la diversité ethnique : on pourra quand même valider. Les acteurs ont des couleurs de peaux différentes, des apparences différentes et des accents très divers. On a même la chance de les entendre dire des mots dans leurs langues respectives. Même s’ils s’expriment tous en anglais ce qui est compréhensible d’abord pour faciliter la compréhension du téléspectateur, puis ça souligne le fait qu’il n’y a aucune barrière de langue entre eux et qu’ils se comprennent tous universellement.
    Egalement la diversité d’orientation sexuelle est parfaitement respectée. Un couple gay, un couple lesbien et une femme transsexuelle : les LGBT+ sont très convenablement honorés sans aucun cliché (assez rare pour être souligné). Mais par contre pour ce qui est de la diversité de l’environnement socio-économique c’est là que ça pêche. Tout d’abord ils vivent tous dans de grandes villes, pour la représentation des campagnards c’est un zéro pointé. Ensuite ils vivent tous dans une confortable classe moyenne. Seul Capheus semble avoir des problèmes pour terminer le mois mais après tout il est africain (#cliché). Dîtes-moi maintenant quelle est la probabilité pour que aléatoirement sur la planète les huit personnages principaux soient tous urbains et sans grand problème d’argent. C’est bête mais placer le deuxième américain dans la cambrousse ou rendre un des européens dans une classe plus précaire.

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    Si je vous fais tout un plat sur la diversité, c’est qu’au premier abord cela m’a semblé forcé. Chaque personnage vise une catégorie de la société américaine. Policier américain ? L’américain blanc lambda. L’acteur mexicain ? Combo entre la communauté hispanophone la communauté gay. La jeune indienne ? La grande communauté hindoue. La femme coréenne ? La communauté asiatique. Le chauffeur de bus kenyan ? Bah fallait forcément un noir pour la communauté afro-américaine. La hackeuse américaine ? Un peu pour la communauté trans, un peu pour la communauté geek. Au final les européens s’en sortent pas mal, on pourrait pousser et dire que la DJette s’adresse aux musiciens et le voleur aux hors-la-loi mais bon. Tout cela pour dire que j’ai eu ce sentiment que tout avait été fait pour plaire à toutes les communautés. C’est un bon point en soi mais au premier abord tout cela m’a semblé bien factice, avec des personnages posés comme des pièces d’échec pour ramener le public le plus large possible. Donc je leur reproche de ne pas être allé jusqu’au bout de leur démarche et d’être au final restés focalisés sur les Etats-Unis (représenter les communautés américaines en plus de faire des deux américains les deux enquêteurs sur l’intrigue principale avec bonus du cliché du héros américain) au lieu de penser qu’ils devaient représenter le monde entier (comme ils essaient de nous faire croire dans leur grand générique). A savoir : je suis assez irritable concernant l’américano-centrisme dans les contenus culturels.

    Mais tous ces défauts finissent par s’effacer sous le charme du récit. La série est très bien réalisée (les Wachowskis restent exemplaires à ce niveau) avec un budget confortable qui nous offre des décors et des paysages dignes de ce nom puisque toutes les scènes ont été tournées au lieu où elles sont censées se dérouler. Les acteurs sont tous (ou presque) bons dans leurs rôles tous aussi attachants (même si ce n’est pas le cas au premier abord). Même les personnages secondaires sont soignés et ça fait plaisir. Je suis également tombée sous le charme de toutes les relations romantiques que ce soit entre les sensates ou non. Des personnages bien écrits dans de beaux décors sous une belle réalisation : on finit tôt ou tard par trouver un certain charme à la série.

    En bref, Sense8 c’est une série originale qui a son côté poétique et son quota de scènes d’action. On découvre huit personnages très différents, au moins l’un d’entre eux va vous charmer et vous donner envie de suivre son histoire. Le concept est intrigant, passionnant et très bien exploité. Si la série a du mal à trouver son rythme et a tendance à s’éparpiller, on sera toujours félicité d’avoir continué dans une première saison qui ne cesse de monter en intensité et nous réserve beaucoup de surprise. Il est évident que cette saison n’est qu’une longue introduction pour pouvoir faire évoluer une histoire plus ambitieuse et ouvrir de grandes perspectives pour une suite. Trop lent pour certain mais pour ma part je trouve ça nécessaire. Je trouve même que c’est ce rythme posé qui a donné tout son charme à cette saison. Que je vous recommande donc chaudement. 

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